S’il y a une chose que tous les passionnés de thé devraient apprendre de l’histoire, c’est que les accidents ne sont pas toujours mauvais. Parfois, ils peuvent conduire à des découvertes qui changent le cours de l’Histoire. L’histoire du thé Lapsang Souchong en est un exemple éloquent.
L’accident qui a changé la vie des feuilles de thé
Le Lapsang Souchong appartient à ces trouvailles inattendues, à l’instar de la pénicilline, du micro-ondes, des chips de pomme de terre ou encore des cookies aux pépites de chocolat. Et pour raconter cette histoire fascinante, il faut remonter à l’époque de la dynastie Qing, dans les montagnes Wuyi du nord de la Fujian en Chine. Le Lapsang Souchong tient une place centrale dans l’histoire du thé noir, car il est le premier de son genre à avoir été créé.
L’histoire débute avec les villageois de Tongmu Village en pleine préparation de leur thé vert de saison. A cette époque, la production de thé était principalement axée sur le thé vert. Cependant, un régiment de soldats Qing en marche vers le village vient chambouler leurs plans. Voyant l’armée approcher, les villageois ont été pris de panique et se sont réfugiés dans les montagnes, laissant derrière eux leurs précieuses feuilles de thé.
La naissance du premier thé noir
Afin de protéger leurs feuilles de thé, les villageois les avaient recouvertes avant de fuir. Les soldats, inconscients du trésor qu’ils foulent sous leur pied, utilisent ces feuilles comme literie. Pendant plusieurs jours, ils roulent et dorment sur les feuilles, les écrasant et les oxydant. Lorsque les villageois reviennent, ils découvrent avec horreur que leur récolte est ruinée. Les feuilles de thé ont totalement oxydé, prenant une couleur brun-rougeâtre et absorbant une multitude d’odeurs désagréables.
La catastrophe semble totale. Mais c’est sans compter sur l’ingéniosité et la détermination des villageois. L’un d’eux propose une idée audacieuse : sécher les feuilles sur de la fumée de pin pour masquer les mauvaises odeurs. Et c’est ainsi que naquit le premier thé noir, le Lapsang Souchong.
De la Chine à l’Occident : l’expansion du Lapsang Souchong
Bien conscient que leur thé ne se vendrait pas localement, les villageois font appel à un marchand pour emmener leur thé aux ports du sud de la Fujian. Là, des marchands hollandais le découvrent et l’importent en Occident. L’année suivante, le même marchand retourne au village pour demander davantage de cette nouvelle variété de thé. Le Lapsang Souchong entre alors dans l’Histoire.
Lapsang Souchong : un thé aux multiples appellations
Le Lapsang Souchong est pourtant méconnu en Chine, où la plupart des gens l’ignorent. C’est que ce thé est plus couramment appelé zhengshan xiaozhong. Le nom « Lapsang Souchong » est dérivé du dialecte local fukienais signifiant « pin » et « petite variété ». Ce dernier devient Zheng Shan Xiao Zhong en Mandarin, signifiant « Montagne Vraie Petite Variété ».
Mais pour compliquer encore les choses, le zhengshan xiaozhong typique servi en Chine est un thé noir non fumé. Cette variété non fumée est apparue relativement récemment, vers 2005, et coïncide avec la création du thé noir jin jun mei, un thé très prisé et coûteux, originaire également du village de Tongmu.
Deux thés, deux saveurs
Le Lapsang Souchong fumé et non fumé sont deux thés aux caractéristiques bien distinctes. Le Lapsang Souchong non fumé, aussi appelé Bamboo Forest, est un thé noir plus léger, avec une légère note maltée, une douceur de canne à sucre et une touche d’agrumes.
Quant au Lapsang Souchong fumé, malgré sa présence distincte de fumée, il offre un équilibre entre la fumée et le goût sous-jacent du thé. La première gorgée est dominée par la fumée, suivie d’une douceur de fruits secs et enfin d’une pointe de malt en arrière-goût.
Lapsang Souchong : un thé qui fait débat
Le Lapsang Souchong n’est pas exempt de critiques. Certains thés disponibles sur le marché ont un goût si fumé qu’ils évoquent l’eau d’un cendrier. C’est pourquoi il est important de sélectionner un thé de qualité, qui offre un équilibre entre la fumée et le goût du thé.
En conclusion, l’histoire du thé Lapsang Souchong est une histoire de résilience et d’innovation. Un accident qui aurait pu être désastreux a conduit à la création d’un thé qui a conquis le monde. Ainsi, la prochaine fois que vous dégusterez une tasse de Lapsang Souchong, pensez à l’histoire fascinante qui se cache derrière chaque feuille.